Porno : les Islandais ont froid aux yeux

7 Mars 2013



Adieu Youporn, Reddit, et autres sites réservés aux adultes majeurs et vaccinés. Dans le cours du mois, sera votée en Islande une loi rendant officielle l'interdiction du porno sur Internet. L'Islande devient ainsi le premier pays d'Europe à bloquer un site à caractère pornographique. Après la prohibition des jeux de hasard, de la prostitution, et du strip-tease, le gouvernement islandais engage une nouvelle mesure des plus significatives pour tenter de réduire la violence du pays.


Porno : les Islandais ont froid aux yeux
Le nouveau fer-de-lance du gouvernement islandais part d'un bon sentiment. Bannir la violence de la société en la censurant. L'Islande espère qu'en instaurant une protection poussée à l'extrême sur la population, celle-ci baissera d'elle-même son taux de criminalité. Inquiet de posséder le triste record d'un des taux de viols les plus élevés d'Europe, le gouvernement cherche les solutions où il le peut : ici, sur Internet. Si la publication et distribution de matériel pornographique étaient déjà prohibées, aucune loi ne visait encore le web. C'est désormais en projet. Avec, dans son viseur, les mots « violent » et « dégradant ».

La pornographie encouragerait les comportements sexuels déviants, c'est du moins ce que déclare Halla Gunnarsdottir, conseillère au ministère de l’Intérieur : « La pornographie violente influence la nature – et peut-être la portée – de la violence sexuelle. L’industrie du porno est trop accessible aux enfants ; nous devons nous attaquer à ce problème ». Eviter que la jeunesse islandaise ne tombe sur un site X (selon une étude, les enfants s'y exposent en moyenne dès l'âge de 11 ans), c'est la préserver d'une image dégradante et mensongère du sexe.

Une fausse bonne idée ? En se rapprochant lentement mais sûrement de régimes autoritaires qui prônent la protection (tout en frôlant la dictature), l'Islande « écorche son image » (selon les dires de Jérémie Zimmerman, porte-parole de l'organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, dans une interview donnée au site atlantico.fr). Et ce, avant même le lancement des procédures parlementaires. Au risque de devenir un de ces pays où « le gouvernement sait mieux que vous ce qui est bon pour vous ». Après l'Australie et la France (qui avec Hadopi a fait un pas vers la censure), la loi islandaise vient s'ajouter à la liste des mesures occidentales menaçant dangereusement la liberté sur Internet.

Une domination inquiétante

Pour Gail Dines, la situation est alarmante, et l'Islande fait bien de donner l'exemple : « Le chiffre d’affaires de l’industrie porno dans le monde est évalué actuellement à 97 milliards de dollars américains. Rien qu’aux Etats-Unis, on produit chaque année plus de 13 000 films pornos. Une page sur trois sur Internet contient du porno. On peut dire que la pornographie domine sur Internet. Certains chercheurs considèrent même que bien des innovations technologiques sont venues sur la toile de l’industrie porno, qu’elle a été le moteur de l’essor technologique sur Internet ».

Les statistiques sont plutôt parlantes : comment réussir à interdire l'accès d'une page internet sur trois ? Dans un système aussi impitoyable que la Toile, la censure ne fait jamais long feu. Mis à part les pirates et autres cyber-experts qui réussiront sans mal à contourner l'interdiction, une masse d'adolescents et adultes essayeront naturellement d'accéder à l'illégal. Marquant ainsi l'ouverture d'un marché du contournement.

Techniquement, le contenu sera bloqué et les sites inaccessibles. De plus, les cartes de crédit islandaises seront désormais refusées. Dans la pratique, il paraît difficile de respecter à la lettre ces « promesses ». Surtout quand près de 98% de la population a accès au web. Ironie du sort, le porno (certes différent) a fait ses débuts en Scandinavie (associée à l'Islande) dans les années 60. Peut-être y verra-t-il, plus de 50 ans plus tard, le début de sa fin.

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Jeanne Massé
Rédactrice pour Le Journal International, étudiante en journalisme à l'ISCPA. En savoir plus sur cet auteur